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Introduction du cerf 

 

Val d'Hérens

L’implantation du cerf dans le Val d’Hérens est bien plus une question d’introduction que de réintroduction. En effet, pas plus les documents centenaires que les récits des plus anciens nemrods ne font mention de cette espèce dans leur menu de chasse.

 

Les premiers regards envieux vers ce superbe animal remontent à 1959, année où  l’assemblée de la Diana  prend acte de la proposition de quelques chasseurs de requérir du service de la chasse la fourniture de sujets chargés du repeuplement. Cette proposition est à mettre sur le compte de la raréfaction du chamois, gibier principal, ainsi que de l’insuccès des transferts et élevages de lièvres.

 

Cette initiative, bien qu’alléchante, fait long feu. D’abord, le service de la chasse n’a pas encore inscrit dans ses programmes une telle pratique pour plusieurs raisons, la plus importante concernant le mode de capture. Il faut en effet relever que le fusil narcotique est encore inconnu. De plus, le garde-chasse Alexandre DAYER relève avec pertinence  que la vallée, encore entièrement vouée à l’agriculture,  compte peu de feuillus dont le cerf fait sa pitance de base ainsi que son havre de paix. La crainte de dégâts aux cultures fait mettre la proposition en veilleuse.

 

Une nouvelle requête se fait jour en 1966. C’est le lieu de relever que bien des choses ont changé en une décennie :

 

  • Le nombre de chasseurs en Valais a quasi doublé, approchant le chiffre de 1500 unités.

  • Le chamois et le chevreuil ont bien progressé grâce à l’instauration de réserves mieux ciblées qu’auparavant.

  • De sérieux espoirs de maîtrise des captures sont nés des tests pratiqués par le garde-chasse Oscar DARBELLAY avec des seringues hypodermiques fabriquées par son compère Camille LATTION. Même le célèbre ancien braconnier, converti en garde-chasse, conclut que cette méthode est promise à un meilleur avenir que ses premières capturesréalisées en maîtrisant l’animal avec un ceinturon militaire posé autour du cou après une poursuite à ski dans la grosse neige…

 

Le nombre de cerfs tirés par année est encore inférieur à 50 pièces pour tout le canton. Le moment semble donc venu d’exploiter les deux colonies de Conches et d’ Entremont en les faisant essaimer dans les grandes vallées du Valais central dont le Val d’Hérens est le cœur.

 

La capture de cerfs et de bouquetins s’intensifie au gré des progrès d’une technologie mise au point par Camille LATTION  et expérimentée par quelques gardes-chasse. S’agissant du Val d’Hérens, les plus concernés sont Oscar DARBELLAY, Augustin UDRY et Samuel SEPPEY.

 

Il n’est pas sans intérêt de faire une digression sur l’évolution de la seringue hypodermique. Propulsée à l’intérieur du fusil à grenaille en raison de son diamètre, la seringue devait atteindre l’animal dans une partie charnue (cuisse ou épaule) et l’endormir… provisoirement.

Plus facile à dire qu’à faire. En effet, de nombreux essais furent nécessaires avant de connaître la dose de produit soporifique qu’un animal pouvait supporter, ainsi que la dose de charge propulsive. Une faible charge voyait la seringue éclater sur le sol à dix mètres de la sortie du canon, et une charge exagérée faisait l’effet d’une balle et endormait l’animal pour de bon.

 

Un grand pas fut franchi par la pose de petits ailerons repliés sur la pointe de la seringue à l’intérieur du canon et s’ouvrant en éventail dès la sortie par la pression de l’air. Ainsi, on a pu augmenter la charge propulsive sans que la seringue puisse entrer dans le corps de l’animal et réussir des tirs de l’ordre de vingt mètres. L’adjonction d’un ardillon dans la pointe a permis de récupérer la seringue dont la confection artisanale était relativement coûteuse, et une houppe de plume stabilisait la trajectoire. L’injection se pratiquait lors de l’impact, sous l’effet d’un piston dont le poids projetait le liquide vers la pointe.

 

Tout cela était fort ingénieux et chargé de promesses.

 

Le Val d’Hérens bénéficie, dès 1966, des largesses d' Ernest SCHMID, commandant de la police cantonale et chef du service de la chasse. Une carte de libre parcours pour les captures,  vaut le lâcher de 38 pièces sur deux printemps, toutes réalisées au Creux de la Vernaz sur Euseigne, le gibier étant ainsi dirigé vers la réserve de Mandelon avant de coloniser les alentours.

 

Les captures portent évidemment sur les sujets plutôt jeunes, du moins pour les mâles. La qualité des animaux s’inscrit en première priorité. Les habitués de la race d’Hérens connaissent les vertus de la sélection. Sachant que les cerfs de Conches sont réputés porteurs d’une plus belle ramure et ceux d’Entremont  d’une masse corporelle plus imposante, le croisement  entre les deux découle de l’élémentaire logique. Ainsi, la décision est prise de sélectionner et capturer les mâles à Conches et les biches en Entremont.

 

Les résultats sont vite époustouflants, surtout sur le plan de la qualité. Ces beaux sujets lâchés dans un biotope idéal et sans concurrence prospèrent  au point de coloniser non seulement le Val d’Hérens mais aussi de faire des incursions dans ceux d’Anniviers et de Nendaz. Quant à leur qualité, les mâles conquièrent la majorité des médailles de concours et les biches affichant 90 kg vidées ne sont pas l’exception.

 

L’extension de l’espèce est favorisée par l’acceptation de tous les groupes de chasseurs de la Diana d’Hérens de ne pas tirer de biches durant les 5 premières années. Malgré la réticence du service de la chasse à ce propos, l’opération fut très fructueuse. Après ce quinquennat de « carême » volontaire, le nombre de cerfs tirés en Valais a été multiplié par 5, la majeure partie de la différence provenant du Valais central, suite au travail de reproduction intensive pratiqué par les divers groupes de la bande des 38 colons initiaux.

 

Actuellement, l’espèce s’est développée à l’excès, profitant de l’embroussaillement général suite à l’abandon de l’agriculture. Les conséquences logiques n’ont pas tardé à se faire jour :

 

  • Trop dominante, l’espèce empiète sur les territoires traditionnellement dévolus au chevreuil et au chamois

  • L’espèce elle-mêmeaccuse un importantdéficit de qualité. Une densité exagérée fait souffrir tous les sujets, à commencer par les plus faibles, donc les jeunes, sans laisser à l’abri les plus forts. A preuve, les poids moyens se sont réduits de l’ordre de 20%. Même les mâles adultes marquent le pas : les sujets dépassant les 180 kg vidés et les 190 points CIC sont devenus l’exception.

 

 

Cette évolution  avait occupé les instances officielles du Parc National dans les années 70. Elle s’est propagée en Valais dans l’ordre suivant, au rythme de l’explosion des colonies respectives : à Conches et Rarogne oriental dès 1980, en Entremont dès 1990 et au Valais central dès 2000.

 

Le phénomène est maintenant connu sous tous ses aspects, ainsi que les solutions pour y porter remède. Aux acteurs actuels, chasseurs  et organes officiels,  de ne pas se limiter aux paroles en  négligeant les actes.

 

 

 

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